Samedi midi dernier s’achevaient les rencontres documentaires Doc’Ouest sous le soleil de Pléneuf-Val-André. La manifestation portée par Films en Bretagne a vu, cette année encore, sa fréquentation augmenter et de nombreux participants ont qualifié d’intense cette treizième édition. Voici un premier retour qui sera suivi d’une série d’articles rendant compte de ces trois belles journées de débats, d’échanges et de projections.
Lors du pique-nique qui a clôturé Doc’Ouest, sur la « croisette » de Pleneuf-Val-André, dans une agréable atmosphère d’été indien, les conversations continuaient bon train. Un premier bilan commençait à s’ébaucher, nourri par les impressions encore fraîches laissées par les rencontres vécues, les émotions éprouvées, les réflexions menées lors de cette nouvelle édition, particulièrement dense.
Cette année, la ligne éditoriale s’est appuyée sur une programmation plus resserrée. D’après les propos ramenés par la brise marine à nos oreilles, la formule semble intéressante et permet aux participants d’éviter ce choix cornélien : aller voir un film ou participer aux échanges. Trois tables rondes étaient associées à la projection de films choisis en lien avec la problématique explorée : le mariage du documentaire et de l’animation ; la composition d’une musique originale ou comment un réalisateur et un compositeur écrivent à quatre mains ; le doc hors des chaînes.
Doc’Ouest a aussi battu le rappel de la mobilisation avec un temps fort, très attendu, autour de l’audiovisuel public et de la proposition de plateforme Bretagne portée par l’Union des professionnels. Les tensions et divergences de points de vue étaient palpables, les enjeux ont été exprimés devant un public nombreux et ont incontestablement marqué les esprits…
Nous reviendrons bien évidemment, en complément des propos détaillés sur le site Rap !, sur ce point d’orgue de la manifestation.
On a aussi examiné de près les mutations liées au numérique avec un état des lieux du web-documentaire, des ateliers autour du financement collaboratif et du DCP. L’une des nouveautés de l’édition 2013 était la présence des institutions qui a pris la forme de rendez-vous individuels. Le MEDIA Desk, le CNC, la Scam (Brouillon d’un rêve), la Sacem, la Région Bretagne (FACCA et Accueil des tournages), Ina Atlantique, l’Afdas et Pôle Emploi offraient la possibilité d’un échange avec des porteurs de projets et affichaient complet, pour la plupart. Les impressions recueillies auprès de quelques inscrits à ces rendez-vous sont éclairantes : « C’est une bonne manière de comprendre le fonctionnement des fonds d’aide, surtout quand on vient avec des questions concrètes », nous confiait Stéphane Fernandez, réalisateur tout récemment soutenu à l’écriture par la Région Bretagne. En parallèle de ces rendez-vous, c’est la table ronde « Dessine-moi un documentaire » qui avait retenu son attention puisque son projet comportera des séquences animées. Ces études de cas l’ont particulièrement intéressé.
Les attentes des participants sont variées. Annabelle Bouzoum, productrice aux Films de l’Autre Cougar, s’interroge sur le cadre de plus en plus contraint de la production. « Je suis venue pour confirmer mon envie de produire hors des circuits parisiens, puiser l’inspiration, tisser des liens. En trois jours, j’ai rencontré beaucoup de Bretons mais aussi des professionnels des régions, Centre, PACA, Rhône-Alpes, Alsace et je me rends compte qu’eux aussi viennent apprendre, s’inspirer de la réflexion initiée par Films en Bretagne ». La jeune femme a profité de son séjour breton pour rencontrer des diffuseurs, des fonds d’aide, le Groupe Ouest dont la résidence d’écriture peut intéresser les réalisateurs qu’elle accompagne, et des associations de diffusion comme Les artisans filmeurs. Et elle ajoute : « C’est la porosité entre professionnels, secteur associatif, spectacle vivant et audiovisuel, particulièrement visible à Doc’Ouest, qui m’a fortement intéressée et que j’ai envie de développer ».
Doc’Ouest, c’est aussi l’occasion de se parler dans un contexte moins formel qu’un bureau. Après les tables rondes et les films, sur l’esplanade qui fait face à la mer, ou lors des apéros et des soirées, on fait connaissance et on travaille son réseau. « Il n’y a pas ici les mêmes enjeux que sur les gros festivals et c’est un moment où l’on peut échanger assez simplement, par exemple, avec les diffuseurs », précise Laurence Ansquer, productrice chez Tita Productions. S’inscrire dans le réseau est une motivation récurrente, comme pour Richard Bois, réalisateur et producteur récemment installé à Lorient, qui est venu « rencontrer les responsables du Facca, discuter avec ceux de France 3 Bretagne », partenaires du film qu’il réalise au centre de rééducation de Kerpape près de Lorient. Il commente ainsi son premier Doc’Ouest : « Même si j’ai eu l’impression que tout le monde se connaissait et qu’on était un peu « entre soi », j’ai trouvé que c’était un bon lieu de débats et qu’il y avait ici un vrai terreau ».
Saisir le fonctionnement de l’Union des professionnels en Bretagne était le prétexte de Jennifer Aujame : « Je voulais comprendre comment était organisé le milieu du documentaire en Bretagne pour savoir quelle place je pourrais m’y faire ». Cette jeune réalisatrice a appris l’existence de la formation Les outils de la dramaturgie au service de l’écriture documentaire lors de la précédente édition et elle participe cette année à ce stage. « Je me suis rendu compte qu’en Bretagne, le documentaire formait une petite famille. Depuis j’ai aussi intégré l’équipe de Comptoir du Doc et je fréquente le réseau de l’Arbre, l’Association des Réalisateurs en Bretagne. » Comprendre donc et pourquoi pas s’en inspirer. « Je rêve d’un prochain Doc’Sud ! », lançait Alexandre Cornu (Les Films du tambour de Soie), heureux producteur de Jasmine, film plébiscité par de nombreux participants à ces rencontres.
Ni festival, ni marché du film documentaire, Doc’Ouest promet en sous-titre de tisser des liens, de partager des expériences, d’échanger autour de pratiques ou de sujets qui fâchent… On ne peut que se féliciter de la variété des professionnels ayant répondu à l’invitation et de l’intérêt porté collectivement à la création documentaire.
Elodie Sonnefraud
Photographies © ylm picture / Films en Bretagne
Photos en bandeau :
. Les rendez-vous personnalisés avec les instutionnels : Nicolas Ruffault rencontre par Jean-Pierre Mast (Scam – Brouillon d’un rêve). Colette Quesson rencontre Gilda Fougeront (Media Desk France)
. De gauche à droite : Stéphane Fernandez, Annabelle Bouzom, Richard Bois, Jennifer Aujame © ylm picture / Films en Bretagne